Dans leur guide pédagogique "Musiques
du monde" paru aux éditions Fuzeau, les auteurs (Michel
Asselineau, Eugène Bérel et Trân Quang Haï)
présentent, en introduction, les facteurs déterminants
de l'évolution des musiques et cultures traditionnelles au
cours des dernières décennies. Voici un extrait de
ce texte qui illustre parfaitement la difficulté à
classer dans un style précis (musiques populaire, savante,
traditionnelle, contemporaine) les différents enregistrements
que nous réaliserons (ce travail est d'autant plus difficile
que tous ces extraits se situent à des plans totalement différents
au niveau historique, géographique, technique et fonctionnel):
" De tous temps, dans pratiquement toutes
les sociétés, la musique a toujours été
étroitement associée à de nombreux actes de
la vie sociale et religieuse. Les modifications des habitudes
oudes traditions culturelles apportées, aux cours de ces
derniers siècles, par ce qu'il est convenu d'appeler la civilisation
(pacification, colonisation, évangélisation...) ont
naturellemnt affecté toutes les structures qui constituaient
les bases mêmes de ces sociétés.
La musique, moyen d'expression sensible qui traduit
si finement les spécificités d'un peuple, d'une tribu,
d'une famille, d'un individu a bien entendu subi les perversions
voire les censures exigées ou imposées par les "agents
de progrès". Une cérémonie d'initiation
interdite, c'est tout un pan du patrimoine local qui disparaît;
cette même cérémonie d'initiation "récupérée",
commanditée et exécutée quotidiennement pour
des touristes avides d'exotisme authentique, devient une parodie
dénuée de sa substance initiale... Pareil glissement
conduit inéluctablement à des situations que déplorait,
entre autres, un maître tambour du Sénégal en
1987 "Mes congénères ne sont plus en mesure
aujourd'hui de connaître toutes les significations des différents
rythmes: rythmes pour les réjouissances, pour les événements
graves, les deuils, les guérisons, pour faire tomber la pluie
(...) Les batteurs ne savent plus ce qu'ils jouent; ainsi ils peuvent
faire danser sur un rythme destiné à conduire un condamné
à son exécution...".
Dès lors, il s'avère délicat
et difficile de situer réellement l'authenticité -
au sens large du terme - que revêt ne serait-ce qu'un enregistrement...
Il ne nous appartient pas de juger si l'on doit ou non regretter
un tel état de fait car il faut reconnaître à
chacun le droit d'évoluer (ou tout du moins de changer !).
On peut donc considérer qu'après cette période
correspondant à une forme d'ethnocide culturel est venue
celle de la confrontation, puis de l'assimilation à l'égard
de nouveaux moyens techniques ou d'autres possibilités d'expression
dorénavant accessibles. Ainsi, les générations
de cette seconde moitié de vingtième siècle
ont-elles souvent su réaliser un subtil "coktail"
entre tradition et modernité d'où sont nés
quantité de nouveau rythmes, de nouveau styles et de nouvelles
sonorités que nous devons aujourd'hui considérer,
sans idée préconçue, commes les jalons témoins
d'une irréversible avancée.
Nous avons, quant à nous, refusé
de situer notre proposition dans un contexte spécifique revendiquant
le choix d'un seul genre de musique. C'est pourquoi, musique
populaire, savante, traditionnelle ou musique contemporaine cohabitent
dans ce dossier pour servir de prétexte à des écoutes
qui donnent accès à des techniques vocales ou instrumentales
ainsi qu'à des styles de musiques qui ne nous sont pas toujours
très familiers. "
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