INDE

La musique classique indienne constitue probablement la musique la plus compliquée au monde, aussi, la lecture de ce paragraphe nécessite quelques notions musicales de bases afin de bien comprendre les différentes idées évoquées.

La musique classique indienne se définit par deux éléments: elle doit suivre un mode musical classique, le râg, et un rythme particulier, le tâl.

Le râg: L'on pourrait décrire le râg comme un mode, c'est à dire une gamme musicale spécifique. Certains râgs indiens ressemblent à nos modes occidentaux, comme le mode pentatonique (gamme mineure normale à laquelle il manque deux notes), etc. Mais les modes indiens, à la différence des modes de la musique occidentale, ne suivent pas le tempérament égal, ce sont de vraies gammes, où les notes naturelles et altérées ne sont pas à la même hauteur selon le râg. Dans le système indien, il existe 22 positions pour les notes d'une octave (intervalle parfait de l'échelle diotonique: de do à do), mais en réalité, les musiciens en utilisent bien davantage (une bonne oreille peut distinguer environ 60 sons distincts dans une octave). Le râg n'est pas seulement un mode : les notes sont approchées dans un sens ou dans l'autre, à partir d'une autre note: La gamme naturelle indienne de bilawal, en montée, n'est pas sa re ga ma pa dha ni sa mais nisa gare rega pama mapama nidha dhani nisa. Le râg a pour but de créer un sentiment particulier chez l'auditeur.

Le Tâl: Le tâl est le rythme de base de la musique classique indienne. Il existe un total d'environ 500 tâls différents que vont de 2 à 540 temps. Dans la musique carnatique on utilise environ 35 tâls dont seuls 3 sont très courants : Adi (8 temps), Rupakam (3 temps), et Mishra Chapu (7 temps) Dans la musique hindoustanie on utilise principalement 9 tâls différents. Pour le dhrupad, le plus fréquent est le Chautal, un rythme à 12 temps, puis le Dhamar, à 14 temps, le Jhaptal (10 temps) et pour la fin du concert on préfère le Tivra (7 temps) et le Sultal (5 temps). Mais le joueur de pakhawaj connaît des rythmes complexes, qui vont de 48 à 540 temps.

La musique classique indienne se divise principalement en deux branches, la musique du Nord et celle du Sud. La musique du Sud de l'Inde est appelée musique carnatique, en référence à l'état du Karnataka, et celle du Nord est connue sous le nom de musique hindoustanie, en référence à la région de langue Hindi qui s'étend de la Frontière du Nord-Ouest Frontier au Poorab, l'Est.

Une musique qui suit les deux règles de cette tradition est appelée classique - ce qui est différent de ce qui détermine la musique classique occidentale, où classique signifie appartenant à une période historique donnée (approximativement du 16ème au 19ème siècle).

Ce concept de musique classique est donc très ouvert. Un musicien peut inventer de nouvelles formes classiques, de nouvelles formes poétiques, de nouveaux modes, de nouveaux rythmes et les luthiers indiens peuvent produire de nouveaux instruments. Toute la musique classique indienne suit ces règles même si elle comprend des styles complètement différents. Pour développer un râg avec précision, le musicien a besoin de la présence d'un bourdon (c'est-à-dire une note qui reste tenue), quelle que soit la musique : Les chanteurs s'accompagnent toujours du tambura ou d'un harmonium, qui produisent la tonique et la dominante du chanteur..

La musique carnatique est presque complètement unifiée et les différentes écoles sont basées sur les mêmes râgs (environ 300 râgas différents), sur les mêmes instruments solo, surtout la vîna, la flûte, le violon et le même instrument de percussion, le mridangam et le ghatam. Le développement d'un concert de notre époque a été codifié récemment, dans les années 1920 par un chanteur célèbre, Ariyakudi Ramanuja Iyer : une douzaine de morceaux courts entourent un long alapam, tanam, pallavi, ou improvisation sur les notes, le rythme et le poème, un schéma classique que l'on retrouve dans la musique du Nord de l'Inde, sauf en ce qui concerne les morceaux courts du début.

Inversement, la musique hindoustanie n'a jamais été vraiment unifiée, et plusieurs styles et genres ont été développés et encouragés par un système familial, celui de la gharana.


Joueur de TablaLa Gharana: La Gharana est une famille. Traditionnellement les musiciens pouvaient adopter des enfants pour leur enseigner la musique. Les liens dans ce système d'enseignement sont des liens familiaux et les responsabilités du professeur et de l'élève sont importantes. L'élève doit déveopper son propre style, en aucun cas il ne peut copier son guru (professeur). Le nom de la gharana est souvent le nom du lieu de résidence du premier professeur de la tradition. Il y a environ 7 gharanas principales de khyal en Inde.

Ces nombreuses gharanas réparties sur tout le Nord de l'Inde ont produit des styles très différents, que ce soit dans la musique, les genres et les instruments. La protection des familles royales (l'Inde comprenait avant 1948 de nombreux états féodaux) a donné à ces gharanas la possibilité de créer, de préserver et de nourir un nombre de genres surprenant.
Aujourd'hui ce sont : Le Dhrupad, un genre religieux hindou et de cour remontant au 15ème siècle. Le Qawwali, une fusion musulmane avec la musique persane datant du 14ème siècle. Le Khyal, La musique de cour à la mode au 18ème siècle. Le Thumri, une musique ancienne tournée vers la danse, et le Ghazal, les chansons d'amour du Panjab, en vogue du 19ème siècle à nos jours. Ces genres se concentrent sur la forme poétique : le Dhrupad, sur des vers complexes, le Qawwali, suivant une versification persane par couplets, etc.

L'originalité provient du fait que toutes ces musiques sont inséparables de la poésie qui les structure. C'est pourquoi les instruments, qu'ils soient à cordes ou de percussion, tentent toujours de reproduire la musique vocale et ses poèmes : l'instrument parle littéralement, il parle avec des mots. A l'intérieur de chaque genre (y compris dans la musique carnatique), sont apparues plusieurs façons de chanter, les vanis (même racine que "voix"). Dans le khayal, ces vanis ont disparu et des douzaines d'écoles ont fait leur apparition. Comme nous le disions plus tôt, les musiciens ne sont pas obligés de jouer d'un instrument particulier pour un style donné, mais les musiciens et leurs luthiers de famille ont inventé des instruments adaptés à chaque style : La Rudravîna, le surshringar et le pakhawaj pour le Dhrupad. Ce sont des intruments extraordinaires, à l'accord merveilleusement précis, qui conviennent aux exigences tonales du dhrupad. Le Sitar, le sarangi, la flûte, le santoor et le tabla conviennent à la rapidité du Khyal, du Thumri et du Tappa.